La scène a fait le tour des télévisions anglaises. On y voit José Mourinho haranguer Paul Pogba comme rarement le long de la ligne de touche, regard noir et bouche bien visible, pendant de longues minutes. Elle date du dernier match perdu par les 'Red Devils' contre Tottenham (2-0). Ce soir-là, l'international français avait été sorti à l'heure de jeu par le 'Special One'. Et il a surtout relancé un débat qui lui colle à la peau.
Polyvalent ou pas ?
Lorsqu'il a débarqué à Manchester United pour 105 millions d'euros, Paul Pogba est devenu le joueur le plus cher de la planète. Neymar, Kylian Mbappé, Ousmane Dembélé ou Philippe Coutinho ont tous pulvérisé le prix de son transfert, depuis, mais la pression sur ses épaules est intacte. Elle est inhérente à ce qu'il est, à ce qu'il représente. Car plus qu'une gueule marketing, Pogba est un milieu à tout faire qui a les défauts de ses qualités. Il ne se range dans aucune case. Et ce profil est toujours sujet à discussion.
Avec l'arrivée d'Alexis Sanchez, José Mourinho a dégagé un système en 4-2-3-1 taillé sur mesure pour l'explosif Chilien. La ligne des milieux est donc tenue par Nemanja Matic et Paul Pogba. Si l'association a de l'allure, elle ne permet pas d'optimiser les qualités du Français. Surtout, elle masque moins ses limites dans la mission défensive de son rôle parce qu'elle l'expose davantage. Après ce match contre Tottenham, Rio Ferdinand a bien résumé l'idée. "Si United décide de jouer à deux milieux de terrain, ils vont avoir des problèmes", a même lancé l'ancien défenseur sur 'BT Sport'. "Leurs meilleures performances, c'était quand Pogba jouait à gauche du milieu de terrain. Avec deux récupérateurs, ce n'est pas son jeu."
Un constat qui ramène Paul Pogba aux délibérations continues qui ont accompagné sa carrière en équipe de France et à la Juventus. Lorsque Didier Deschamps est passé à deux milieux à l'été 2016, pendant l'Euro, le Mancunien a été scruté. Et même avant cette mutation systémique des Bleus, son rôle de relayeur droit pour laisser l'autre flanc à Blaise Matuidi (alors incontournable et naturellement placé sur ce côté parce que gaucher) était loin de faire l'unanimité. Et si Paul Pogba avait donc un profil beaucoup plus clair qu'il n'y parait ? Celui d'un milieu relayeur gauche. Droitier, technique, spectaculaire et tout ce qu'il faut, mais relayeur gauche. Point.
Frank Lampard va beaucoup plus loin. "Le problème c'est la perception que l'on a de lui", a-t-il expliqué sur 'Sky Sports'. "Pour qui aurais-tu payé 90 ou 100 millions de Livres ? Suárez, Ronaldo ou Messi. Ils ramènent 40 ou 50 buts par saison. Ils gagnent des matches eux-mêmes tous les week-ends. Pour moi le problème c'est que si tu payes 90 millions de livres, tu ne veux pas 90 millions de problèmes. Néanmoins, nous devons attendre jusqu’à la saison prochaine pour voir s’il s’améliore. Mais je crois que c’est en lui. Si vous dépensez 100 millions, vous ne voulez pas d’un problème à 100 millions. Je suis sûr que José Mourinho va le résoudre, mais pour le moment ce n’est pas fluide."
Mourinho joue les démineurs
Comme Paul Pogba, Lampard était attiré par le but. Il a reconnu avoir souffert du même syndrome à Chelsea. Mais c'est pour cela que sa sortie est sévère, justement. Il faudra toujours le rappeler : Pogba n'est pas responsable du tapage médiatique qui l'entoure, et encore moins de son prix... Reste qu'après ce match face à Tottenham et sa petite bisbille avec Mourinho, le Français n'a pas été titularisé pour la rencontre suivante contre Huddersfield remportée par United (2-0). Un fait rare, suffisamment pour être souligné.
Comme souvent, le dernier mot est revenu à José Mourinho. Parce qu'il avait allumé la mèche - bien malgré lui cette fois-ci - le 'Special One' a dû jouer les démineurs cette semaine en conférence de presse. "Paul a eu un comportement très professionnel. La semaine n’était pas différente de ce que Paul fait chaque semaine. Il travaille bien, c’est un bon professionnel, il aime s’entraîner, je n’ai jamais eu un seul problème avec lui", a-t-il souligné, avant de faire passer un message.
"J’ai eu quelques rires la semaine dernière parce que j’ai entendu, regardé, lu des choses. Je ne suis pas Anglais mais je pense que je comprends assez l’anglais quand vous voulez dire 'box to box'. Je pense que ce pays a produit beaucoup de joueurs 'box to box'. J’ai eu le plaisir d’entraîner certains d’entre eux, mais ce concept évolue un peu. Cette expression, je l’ai entendu pour la première fois en 2004". Un boomerang renvoyé à Frank Lampard. Et Mourinho de conclure : "Il n’y a pas de confusion entre Paul et moi, c’est difficile de jouer avec un milieu de terrain qui possède plus de potentiel que Paul". Fin de l'histoire. La suite s'écrira sur le rectangle vert.