L'histoire d'Omar Diakité est celle d'une âme, comme tant d'autres, qui essaie de traverser la mer, encouragée par une mafia qui promet le bonheur éternel de l'autre côté, sur les côtes. À bord d'un zodiac qui n'a rien de sûr, Oumar et 36 autres personnes ont rejoint l'Espagne sans savoir ce qu'il y avait pour eux, et mettant en danger le bien le plus précieux de tous : sa vie.
Certains ont passé le cap pour rechercher de nouvelles opportunités, d'autres pour fuir la persécution et même la torture. Mais Oumar a décidé d'entreprendre le voyage le plus dangereux de sa vie pour un ballon. Ou plutôt, pour trouver le moyen de concrétiser son rêve : profiter de ce sport dans lequel il a grandi, en commençant sa carrière en jouant dans les rues de Beoumi, en Côte d'Ivoire. Et il a été repéré pour intégrer les catégories inférieures de la sélection nationale.
"Les recruteurs se promènent dans les rues et sélectionnent les meilleurs garçons. J'ai intégré la sélection U17 du pays, mais en 2015 il y avait un fort problème politique. Les joueurs du nord de la Côte d'Ivoire, comme moi, sont victimes de xénophobie. On nous a demandé de payer pour continuer à jouer en sélection", se souvient Oumar.
Comme il ne disposait pas de "moyens économiques", ce latéral droit a essayé de faire jouer les relations, mais il ne disposait pas de "hauts contacts". Il a donc été contraint de quitter la sélection mais Oumar a dû en subir les conséquences : "Ils m'ont confisqué mon passeport, il y a beaucoup de corruption au sein de la Fédération, c'est un peu comme la mafia", explique-t-il.
Trois mois sur les chemins
Oumar a opté pour rejoindre le Maroc, et il a traversé les frontières à pied, son périple a duré trois mois. Une odyssée qui s'est conclue sur une désillusion, puisqu'il n'a pas pu intégrer quelque club que ce soit, ne disposant pas des papiers nécessaires. il est donc revenu en Côte d'Ivoire, où il est resté jusqu'au décès de son père.
Ce fut alors le moment déclencheur, et il s'est convaincu qu'il ferait "tout pour jouer au football". Oumar a rejoint de nouveau le Maroc, à Nador plus exactement : "Je devais me cacher dans les forêts, les personnes de peau noire doivent s'y réfugier car nous sommes persécutées. Il y avait des drogués, des gens qui venaient pour se battre avec nous. J'ai vu quelqu'un mourir sous mes yeux pour un téléphone", a-t-il confié.
L'Afrique n'ayant plus rien à lui offrir, on lui a arrangé la traversée pour rejoindre l'Espagne. 300 dollars - une fortune - étaient demandés, du moins c'est ce dont il se souvient. Il a donc rejoint le zodiaque. Sur ce bateau de misère, il a frôlé la mort. Le moteur a lâché et l'embarcation était à la dérive. Des heures d'angoisse, surtout lorsque l'embarcation prend l'eau, à cause d'une mer tout sauf accueillante.
"On s'est déplacé sur l'eau et arrivait une nouvelle vague. Les vagues nous faisait dévier, reculer. Nous avions de petits bidons pour sortir l'eau qui entrait à l'intérieur du bateau", raconte Oumar. Au bout d'une heure, ils ont réussi à réparer le moteur et ils ont pu être secourus.
Paco, Ettore, Mariano et un club avec des valeurs
En Espagne, déshydraté, Oumar rencontre Paco, qu'il surnomme son "ange gardien". Un ancien entrepreneur qui a fini par tout perdre, et qui au lieu d'aller s'isoler en campagne, il a choisi de dédier sa vie aux immigrants. Paco, un exemple, a donc pris contact avec les deux "papas" d'Omar : le restaurateur Ettore Stecchini et le réputé photographe Mariano Pozo.
Oumar avait en effet besoin de trouver un club qui pourrait confirmer qu'il allait signer pour jouer avec, et c'est là qu'est apparu El Palo. Un club modeste, mais débordant de valeurs qui n'a pas tardé à répondre à ses besoins. Grâce à l'entité andalouse, Oumar peut vivre son rêve.
"Quand je suis arrivé, j'ai oublié tous ces moments difficiles, je les ai laissés au passé, je suis énormément reconnaissant à toutes ces personnes que j'ai rencontrées. Le football c'est ma vie", affirme Oumar entre deux sourires, touché par l'accueil reçu : "C'est un club merveilleux, je dois me montrer digne de ce qu'ils m'offrent".
Il se déclare lui-même un grand amoureux de la Liga, qui, à son sens, est "la meilleure compétition au monde" et il rêve d'une carrière à la Sergio Ramos. "C'est mon joueur préféré, je suis défenseur et je l'admire beaucoup. J'espère un jour jouer à ses côtés". Quant à ses qualités de joueur ? Il met en avant son "agressivité". "Je monte beaucoup, comme Marcelo", conte-t-il.
À l'essai avec la filiale
Après avoir récupéré sa forme physique (arrivé sans force et en sous-nutrition en Espagne), Oumar a commencé à prendre part aux entraînements avec la filiale. "La première semaine je travaille de mon côté, mais à présent j'évolue avec le groupe. Je ne ressens aucune pression car tout le monde est content de m'avoir, le reste n'importe pas", indique-t-il.
Un de ses ''papas'', Ettore, indique que le plus important pour ses premières semaines en Espagne était qu'il "soit en vie". D'ailleurs, il a vu le nouveau joueur du Palo manger trois pizzas entières pour son premier repas. Ainsi, le football est relégué au second plan, même si cela a été la raison de toute l'odyssée d'Oumar. À présent, le jeune latéral espère se faire "une place" dans le club, et est conscient qu'il doit beaucoup travailler.
Avant que ne s'achève cette interview, nous lui avons demandé, avec le recul, si risquer ça vie en avait valu la peine. Et sa réponse a été très réfléchie, touchant : "Oui, risquer ma vie en valait la peine pour jouer au football. Quand on se donne un objectif, on prend la peine de tout affronter, même si c'est au péril de sa vie".
Le Palo est un club avec lequel Oumar espère évoluer. Il se dit concentré à 100% avec l'effectif et espère jouer cette saison, même s'il a manqué la fermeture du mercato de peu. C'est un joueur avec l'envie de tout donner pour sa passion dont nous avons eu la chance de faire connaissance et on lui souhaite un merveilleux succès avec El Palo, pour, pourquoi pas, atteindre les sommets en Espagne dans le futur.
Oumar Diakité a exprimé ses remerciements sur le mur de Besoccer
Le latéral du Palo prend plaisir à jouer au foot et rêve d'un avenir prometteur