Buffon, Bale, Hamsik, Aubameyang, Chiellini, Pjanic, Vidal, Verratti, Sanchez… La liste des joueurs qui ne verront pas la Russie en juin prochain est longue et surtout non-exhaustive. À ces prestigieux noms, on pourrait, de manière assez surprenante, ajouter celui de Radja Nainggolan. La place du milieu de terrain de l’AS Roma dans les 23 de la sélection belge est loin d’être assurée et, au sein des 'Diables Rouges', elle fait même l’objet de vives discussions. Si l’on peut logiquement comparer son cas à celui de Karim Benzema en France, celui-là semble être tout de même moins clivant. Le 'Ninja' a pour lui l’opinion publique et la grande majorité des cadres de la sélection, seul l’entraîneur Roberto Martinez, en poste depuis septembre 2016, semble faire preuve de réticence à son égard.
Exilé à l’âge de 16 ans
Comment alors, un joueur qui n'a cessé de monter en puissance d’année en année, membre de l'équipe-type de Serie A en 2016-2017 et suivi régulièrement par Antonio Conte pour le faire venir à Chelsea, a-t-il pu se mettre à dos l’ancien coach d’Everton ? Comme dans ce genre de cas complexes, plusieurs facteurs peuvent expliquer cette mise à l’écart. Pour mieux les comprendre, Pascal Scimè, journaliste et animateur à la RTBF, principale radio belge, nous a donné plusieurs clés. Il connaît le joueur et son entourage depuis l’âge de 16 ans, au moment où, encore adolescent, il a quitté la banlieue d’Anvers pour rejoindre l’Italie et Piacenza.
C’est véritablement de l’autre côté des Alpes où Radja a commencé à se faire un nom, d’abord à Cagliari en Sardaigne avant de devenir une pièce-maîtresse de la Roma. "Il a connu une progression linéaire et assez exemplaire. S’il a longtemps été ignoré en Belgique par le grand public et les observateurs, c’est parce qu’ici on snobe généralement la Serie A. Les gens privilégient ici la Premier League. Il a mis du temps à être connu et reconnu." Une visibilité qu'il a seulement obtenue à la fin de l'année 2014, après une première année à Rome (il était arrivé au mercato d'hiver 2013-2014).
Une histoire tourmentée avec les 'Diables Rouges'
Pourtant Radja Nainggolan n’a pas attendu les lumières du Stade Olympique de la Ville Eternelle pour être appelé en sélection. Sa première cape remonte à … 2009, lors d’un match amical contre le Chili de Marcelo Bielsa. Les Hazard, Lukaku et De Bruyne n’étaient pas encore là, au moment où la Belgique était une sélection en perdition. Le jeune milieu n’y fait qu’un bref passage, comme lors de ses autres sélections avant septembre 2014. Cette étape marque une forme de transition, Nainggolan vient juste de rater le Mondial brésilien, la faute à un Marc Wilmots effrayé par sa personnalité. "C’est un joueur qui a mis du temps à s’installer au sein de l’équipe nationale, insiste Pascal Scimè. Il a été zappé par Wilmots qui ne l’avait pas retenu pour son côté rebelle. Deux ans après, il a été incontestablement le meilleur belge à l’Euro 2016, comme une forme de revanche pour lui."
Comment alors, après cette compétition internationale réussie et un statut de titulaire indiscutable à la Roma a-t-il été progressivement désigné comme persona non grata par Roberto Martinez ? Cette fois-ci, la dimension tactique rentre aussi en jeu pour le journaliste de la RTBF. "C’est un mariage contre-nature, entre l’eau et le feu. Martinez est un entraîneur posé et calme qui veut des joueurs dociles et équilibrés pour ses dispositions tactiques. Nainggolan représente tout le contraire, Martinez a peur de son côté chien fou, qui va partout sur le terrain et transgresse certaines règles, même s’il est l’un des tous meilleurs de la planète dans ce rôle-là." Comme concurrents dans l’entrejeu, le milieu de 29 ans doit notamment faire face à Fellaini, Dembélé, Tielemans ou encore Defour.
"Il soigne sa communication"
À l’aube de la trentaine, le natif d’Anvers n’est pas naif. Le train pour une autre Coupe du Monde, en 2022, ne risque pas de passer pour lui et l’échéance russe représente sans doute son unique chance de disputer le prestigieux rendez-vous. Nainggolan met en ce moment toutes les chances de son côté pour être au moins dans la liste des 23 : des propos bien réfléchis, moins de sorties et surtout l’absence de photos où on le voit avec une cigarette à la bouche, son pêché mignon. "Il souffre clairement de cette situation. Radja incarne parfaitement les valeurs d’une sélection avec de l’abnégation, de l’orgueil et de la grinta, c’est un latin dans l’âme. Il a mal vécu son éviction." Pourtant différents sondages montrent que l'opinion publique outre-Quiévrain est favorable à sa sélection, et qu'une non-présence en Russie serait perçue comme une hérésie.
Le joueur sélectionné à 29 reprises est-il alors au-dessus de tout soupçon dans son histoire tumultueuse avec la Belgique ? Non-convoqué pour les matches de septembre contre Gibraltar et la Grèce, le milieu romain avait donné une interview à une radio flamande où certains propos ont été transformés en une retraite internationale. Information démentie depuis par le joueur. "Là où il a sa part de responsabilité, avance Pascal Scimé, c’est que sa communication n’a pas été bonne. Désormais, il la soigne et réfléchit un peu plus avant de se prononcer car il sait que la situation est complexe. Pour le Mondial, Roberto Martinez a déjà 21-22 noms en tête et il est clair qu’à ce jour, Nainggolan n’y figure pas." Une absence à Moscou serait vécue comme un affront par le clan du joueur qui s’en remet désormais presque à la providence pour espérer que son sélectionneur altère son avis à son sujet.