Chaque été, les mêmes castes de joueurs alimentent les feuilletons et soulèvent les cœurs. Dribbleurs fantasques, tueurs des surfaces, ils ont tous le même rôle dans le casting. Soulever les foules et appeler les rêves les plus fous. L’Espagne, l’Angleterre, la France aujourd’hui se plient à ce fantasme vieux comme le foot, mais il est assez curieux que l’Italie n’ait pas suivi ses voisins, il y a quelques mois, à travers son club le plus dépensier. Milan a dépensé sans compter, pourtant, mais l’institution italienne la plus titrée sur la scène européenne n’a toujours pas de tête de gondole en attaque.
André Silva, la cible facile
Rembobinons un peu le film. Il suffit de rappeler l’effervescence créée par l’arrivée de Leonardo Bonucci pour mesurer que le Milan n’a peut-être pas concentré ses investissements dans le bon secteur. Attention, Bonucci n’a rien d’une recrue commune. Parce qu’il est le joueur le plus cher de l’histoire du club (42 millions d’euros), déjà, et parce qu’il est estampillé Juventus, forcément. Mais Bonucci reste un défenseur. Roublard, gagneur, élégant, mais défenseur quand même. Milan devait reconstruire son socle et marquer les esprits, soit, mais ce n’est pas sur ce terrain-là que le club était le plus attendu.
Avant et après Bonucci, le Milan a donc attiré des attaquants pour construire son puzzle. Il a déboursé 38 millions d’euros pour le jeune André Silva, par exemple. C’est plus que pour l’illustre Manuel Rui Costa qui a longtemps été le joueur le plus onéreux du club, et c’est à peine un peu moins que pour Bonucci, qui l’a donc détrôné. Il serait facile de réduire les maux des 'Rossoneri' à l’international Portugais. André Silva a un beau pedigree. Adoubé par Cristiano Ronaldo, le jeune homme a de l’allure et réalise un début de carrière plein de promesses après son explosion à Porto. Mais pour le moment, son expérience en Serie A est une première tache sur son CV. Six petites apparitions et un zéro pointé.
Durant son mercato clinquant à presque 200 millions d’euros, Milan a aussi chipé Nikola Kalinic à la Fiorentina. Le Croate a un profil intéressant. Grand et adroit, il n’a pas le gabarit de son homologue basketteur mais il porte bien son nom. Reste qu’à vingt-neuf ans, Kalinic, qui a eu le mérite de planter trois buts en dix apparitions, est un joueur identifié, et c’est bien le problème. Dans un club qui a vu défiler Nordhal, Van Basten, Shevchenko, Ronaldo, Ronaldinho, Inzaghi ou Ibrahimovic, les tifosi du Milan sont en droit d'attendre autre chose que le prêt payant d’un pivot qui restait sur deux saisons respectables en Serie A.
Renouer avec les bonnes méthodes
On dit que l’homme économe sait dépenser à propos. Le défaut des nouveaux décideurs de l’AC Milan se situe là, peut-être. Passé sous pavillon chinois, Milan paie pour apprendre. Avec ce qu’il a dilapidé, le club lombard ne devrait plus ressembler à l’équipe fade et empruntée qui se languissait dans le ventre mou de la Serie A la saison passée. Sa phase aller le renvoie pourtant à sa réalité du moment. Une nouvelle page à écrire. Un savoir-faire à acquérir. Septième à treize points de Naples, douze de la Juventus et onze de l’Inter - un écart qui fait gronder les amoureux du club - l’AC Milan a trop patiné. La photographie des chiffres est assez nette, elle aussi. Suso avait terminé meilleur buteur du club l’an dernier avec des statistiques quelconques (sept réalisations). L’Espagnol, qui vient de connaître sa première sélection à 23 ans, est encore le meilleur élève de l’équipe avec cinq petits pions.
Dresser un parallèle entre l’attaque de Milan et la concurrence serait comme jeter de l’huile sur le feu. Naples éblouit l’Europe avec Dries Mertens (10 buts) et sa bande (Insigne, Callejon et Hamsik). La Juve affirme sa supériorité avec Paulo Dybala (11 buts) et Gonzalo Higuain (7 buts). La Roma s’appuie sur un Edin Dzeko tueur en Serie A (7 buts) et en Ligue des champions. Et l’Inter, portée par Mauro Icardi (11 buts), n’a jamais atteint des altitudes aussi élevées, ces dernières années. Le cercle peut s'élargir jusqu’à la Lazio, d’ailleurs, qui compte le meilleur buteur de Serie A dans ses rangs, Ciro Immobile (14 buts).
L’AC Milan sait ce qui lui reste à faire pour franchir cette dernière marche et retrouver son rang. Il y a toujours eu quelque chose de différent dans ce monument du football italien. Une culture plus européenne, justement. Une vision sans limite. Des idéologies. De belles périodes. Et une certaine idée de la transmission. C’est avec des grands noms italiens derrière et des grands noms étrangers devant que ce club a écrit ses plus belles pages. Puisqu'il a de nouveau les moyens de ses ambitions, il ne lui manque plus qu’une partie de la recette pour renouer avec ses bonnes méthodes.